Editions Au Salvart
NOTES DE LECTURES & CAETÉRA
Si elles s'envolent... - Cécile Guivarch
Une lecture de Philippe Leuckx pour Recours au poème
( septembre 2024 )
Cécile Guivarch, Si elles s’envolent
Par Philippe Leuckx| - (6 septembre 2024 sur Recours au poème )
L’auteure de ces beaux livres de mémoire (“Renée en elle”, “Sans Abuelo Petite”, “Cent au printemps”, “Sa mémoire m’aime”) prolonge sa réflexion humaniste avec ce bouquet de textes adressés à ses mère, grand-mère, grand-tante, aux poètes (Marina Tsvetaeva), aux vedettes de l’écran (Marilyne, Brigitte, Françoise, Simone) et à toutes ces femmes qui ont tant oeuvré pour que leur sort soit moins funeste.
On retrouve la grâce, la finesse, et l’empathie de la poète qui sait si bien parler du temps révolu, de toutes les tâches ingrates, de tous ces corps appelés à travailler sans peur de suer ni de courber le corps sous la peine. En brèves inflexions, sous la bannière de Denise Desautels ou de Denise Le Dantec, Cécile honore le labeur sous toutes ses formes, au temps où les moissons se faisaient à la main, et “recommençaient chaque printemps/ les mêmes gestes d’élan et de coeur”, quand “c’était dur” de vivre, de travailler, femmes ou hommes même combat. “Ma grand-mère comptait ses couches/ comme un oignon” : que de lessive à couler en rivière, que de linge à curer au soleil pour qu’il soit plus blanc. Les usages du temps, les affres du corps, la splendide mémoire des corps : tout ici relève d’une ethnographie singulière, menée par une poète qui ne fait pas fi de ce qu’elle a vu des anciens, mais en garde rigoureusement les traces. D’ailleurs, elle se niche, petite, dans certains fragments : “mes jambes comme des ailes/ j’avale le vent bouche ouverte” (p.18).
Par Philippe Leuckx| - (6 septembre 2024 sur Recours au poème )
L’auteure de ces beaux livres de mémoire (“Renée en elle”, “Sans Abuelo Petite”, “Cent au printemps”, “Sa mémoire m’aime”) prolonge sa réflexion humaniste avec ce bouquet de textes adressés à ses mère, grand-mère, grand-tante, aux poètes (Marina Tsvetaeva), aux vedettes de l’écran (Marilyne, Brigitte, Françoise, Simone) et à toutes ces femmes qui ont tant oeuvré pour que leur sort soit moins funeste.
On retrouve la grâce, la finesse, et l’empathie de la poète qui sait si bien parler du temps révolu, de toutes les tâches ingrates, de tous ces corps appelés à travailler sans peur de suer ni de courber le corps sous la peine. En brèves inflexions, sous la bannière de Denise Desautels ou de Denise Le Dantec, Cécile honore le labeur sous toutes ses formes, au temps où les moissons se faisaient à la main, et “recommençaient chaque printemps/ les mêmes gestes d’élan et de coeur”, quand “c’était dur” de vivre, de travailler, femmes ou hommes même combat. “Ma grand-mère comptait ses couches/ comme un oignon” : que de lessive à couler en rivière, que de linge à curer au soleil pour qu’il soit plus blanc. Les usages du temps, les affres du corps, la splendide mémoire des corps : tout ici relève d’une ethnographie singulière, menée par une poète qui ne fait pas fi de ce qu’elle a vu des anciens, mais en garde rigoureusement les traces. D’ailleurs, elle se niche, petite, dans certains fragments : “mes jambes comme des ailes/ j’avale le vent bouche ouverte” (p.18).
L’écriture fluide, nerveuse, qui ne s’embarrasse pas d’images, retrace avec force la période (“ce village sous Franco/ cinquante ans en arrière”) . Un très beau livre.

Si elles s'envolent... - Cécile Guivarch
Une lecture de Valérie Canat de Chizy pour Terre à ciel
( Juillet 2024 )
Cécile Guivarch, Si elles s’envolent… Éditions Au Salvart, 2024
Un nouveau recueil de Cécile Guivarch autour des femmes, et notamment, des tâches qui ont rythmé leur vie depuis des générations. Femmes d’hier et d’aujourd’hui, avec une allusion à de grandes figures féminines telles que Marilyne, Camille Claudel, Marina Tsvetaeva, et à des femmes de sa famille, sa mère, sa grand-mère. Toutes ces femmes sont reliées entre elles par un fil, toutes si vivantes et à travers les siècles. Cécile Guivarch évoque leurs activités quotidiennes, leur mode de vie, qui varient de l’une à l’autre. Celles du village de sa grand-mère portaient sur la tête de la paille et du linge, allaient chercher l’eau au village, ramassaient fagots herbes et pommes de terre à travers champs.
Échines courbées dans les champs
leur dos longtemps tête à l’envers
les mains remuent toute la journée
de rang en rang elles se relèvent
essuient sueur revers de manche
retournent à la terre jusqu’au soir
blé orge vigne ou pomme de terre
se redressent s’épongent le front
temps à peine d’entrevoir la fleur
sur le bord du talus un coquelicot
Dimanche ou mercredi peu importe
leur visage offert à tous les vents
yeux au ciel leurs enfants morts
leur dos longtemps tête à l’envers
les mains remuent toute la journée
de rang en rang elles se relèvent
essuient sueur revers de manche
retournent à la terre jusqu’au soir
blé orge vigne ou pomme de terre
se redressent s’épongent le front
temps à peine d’entrevoir la fleur
sur le bord du talus un coquelicot
Dimanche ou mercredi peu importe
leur visage offert à tous les vents
yeux au ciel leurs enfants morts
Cécile compare les usages d’autrefois avec ceux d’aujourd’hui. S’esquisse le portrait d’une génération, celle de sa grand-mère, beaucoup plus en prise avec les tâches quotidiennes et domestiques, quand le progrès a déchargé les femmes d’aujourd’hui d’un grand nombre de contraintes. Ainsi, travailler la terre, récolter les légumes et les fruits, traire les vaches, battre le beurre, faire bouillir le linge, frotter le parquet. Le rapport au corps, également, a évolué ; l’intime a pris plus de place au fil des générations. Les femmes d’aujourd’hui sont plus légères, moins soumises à un carcan. Se dégage l’impression d’un allègement, la condition féminine a évolué avec les droits des femmes ; la liberté sexuelle, le progrès, ont fait que la génération de Cécile est dans l’ensemble plus épanouie.
Entre les femmes d’hier et celle d’aujourd’hui, il y a, certes, un écart. Et pourtant, un fil invisible les relie.
Entre les femmes d’hier et celle d’aujourd’hui, il y a, certes, un écart. Et pourtant, un fil invisible les relie.
Quels liens entre toutes
Aller de l’une à l’autre
ralentir leur course
donner à vivre le rêve
Aller de l’une à l’autre
ralentir leur course
donner à vivre le rêve
C’est à toutes les femmes des anciennes générations que Cécile Guivarch veut rendre hommage. À toutes celles qui l’ont précédées. À celles qui ne sont plus.
Ma mère et ma grand-mère mortes
je suis avec elles sur leurs genoux
Les sentir éternelles dans mes veines
Parfois elles passent dans le ciel – nuages –
les regarder défiler lentement sous mes yeux
C’est la guerre – la vôtre et la mienne –
J’ai perdu ma mère / je pleure tous les morts
je suis avec elles sur leurs genoux
Les sentir éternelles dans mes veines
Parfois elles passent dans le ciel – nuages –
les regarder défiler lentement sous mes yeux
C’est la guerre – la vôtre et la mienne –
J’ai perdu ma mère / je pleure tous les morts

Les notes de lectures sur Fontaine de clairvent :
Revue ARPA :
« Tout commence, tout s’achève ». Les quatrains de Bernard Grasset dans Fontaine de Clairvent (Au Salvart) saisissent l'instant, « l'énigme du vent », des fragments de lumière. Les saisons et les lieux l'invitent à aller au-delà du visible, vers un pays intérieur dont on devine l'active présence. « Jamais ne s'achève les blancs nuages », il n'est que de « vivre aux sources de cristal. »
ARPA N°143 (Gérard Bocholier )
Lecture de Pierre Tanguy, sur le site "Dessourcesetdeslivres".
Bernard Grasset a plus d’une corde à son arc. Poète, philosophe, traducteur, il nous propose aujourd’hui 74 « quatrains de saisons » rédigés entre 2021 et 2023 en différents endroits de l’hexagone mais aussi en Irlande, avec un petit penchant pour des terroirs qui lui sont chers : le pays nantais et la Bretagne sud. Fin connaisseur du grec et de l’hébreu, Bernard Grasset peut nous amener, dans ses livres, à découvrir aussi bien l’œuvre de Yorgos Thémélis que celle de l’israélienne Rachel. Mais cette fois, en abordant le quatrain, il nous conduit vers d’autres horizons littéraires, sans doute plus en prise avec l’Orient ou l’Extrême-Orient. Comment en effet, quand on parle de quatrains, ne pas penser à ceux du Perse Omar Khayyam ou à ceux, tout récents, de François Cheng (Enfin le royaume, Poésie/Gallimard, 2023). Les quatrains de Bernard Grasset nous ramènent aussi aux principes de base du haïku, tels que les définissait le japonais Bashô, père fondateur de ce genre littéraire : « Dire ce qui arrive, à un moment donné, à un endroit donné ». C’est bien le cas ici puisque tous les quatrains de l’auteur sont datés avec précision (le jour de la semaine, la date) et toujours localisés. Ainsi ce vendredi 24 décembre à Saint-Gildas-de-Rhuys : « Les vagues de siècle en siècle / Heurtent sans fin la falaise, / Une croix, sacre des saisons, / Tu dis, tais l’énigme du vent ». Ainsi, aussi, ce mardi 10 janvier 2023 à Nantes : « Loire, ô grise et calme, / Source lointaine, vagues prochaines, / Mélodie d’un autre âge / Où les yeux aimaient la lumière ».
Comme pour le haïku, il s’agit « d’une écriture de la brièveté, écriture qui se rapproche du silence », ainsi que l’affirme lui-même Bernard Grasset, avec le sentiment qu’il a de poser son écritoire dans la nature comme le ferait un peintre avec son chevalet. « Les mots s’allient à la vie », note l’auteur en quête de « splendeurs oubliées » ou de « mélodies murmurant au secret de nos existences ». On ne doit donc pas s’étonner qu’il ait pu être aimanté par des lieux aussi emblématiques que Vézelay, Lérins, La Grande Chartreuse, le Mont Beuvray ou Locmariaquer, sans oublier une escale en Irlande, comme ce samedi 7 mai 2022 du côté de Killarney : « Épée brisée, arbre de paix, / Soleil sur les tombes, arpèges, / Et tu longes le lac, murmure / Scintillant, signet d’aventure ». Dans un style presque télégraphique, Bernard Grasset (né en 1958), se fait le greffier des jours et de lieux arpentés avec ferveur, à un moment où, avoue-t-il, son « chemin en poésie aperçoit son terme ».
Comme pour le haïku, il s’agit « d’une écriture de la brièveté, écriture qui se rapproche du silence », ainsi que l’affirme lui-même Bernard Grasset, avec le sentiment qu’il a de poser son écritoire dans la nature comme le ferait un peintre avec son chevalet. « Les mots s’allient à la vie », note l’auteur en quête de « splendeurs oubliées » ou de « mélodies murmurant au secret de nos existences ». On ne doit donc pas s’étonner qu’il ait pu être aimanté par des lieux aussi emblématiques que Vézelay, Lérins, La Grande Chartreuse, le Mont Beuvray ou Locmariaquer, sans oublier une escale en Irlande, comme ce samedi 7 mai 2022 du côté de Killarney : « Épée brisée, arbre de paix, / Soleil sur les tombes, arpèges, / Et tu longes le lac, murmure / Scintillant, signet d’aventure ». Dans un style presque télégraphique, Bernard Grasset (né en 1958), se fait le greffier des jours et de lieux arpentés avec ferveur, à un moment où, avoue-t-il, son « chemin en poésie aperçoit son terme ».
Fontaine de Clairvent, Bernard Grasset, peintures d’Isaure, éditions Au Salvart, 49 pages, 12 euros
Pierre Tanguy

Fontaine de clairvent de Bernard Grasset : une lecture de Patrick Joquel.
( Décembre 2023 )
Bernard Grasset et le Salvart nous propose ici 74 quatrains. Chacun est annoté d’une date et d’un lieu. On est dans une poésie qui s’inscrit, s’enracine dans un espace et un temps. Une poésie de l’instant. Pas une description du lieu, ni de la météo du jour, mais bien dans cette intimité qui se tissent entre l’espace/temps et l’homme qui le traverse. Chaque quatrain nous partage ainsi un écho du monde qu’emprunte l’auteur.
Les lieux sont divers. Certains me sont totalement inconnus. D’autres, j’y suis passé, voyageur également. Quelques uns accompagnent mon quotidien : les Alpes Maritimes.
Écrire des quatrains c’est donner l’importance du moment. C’est également tenter via une économie de mots d’offrir de l’essentiel, du brut sans fioritures. Un exercice, comme un jeu, de sobriété. J’en apprécie la dynamique et les réussites.
Voici un livre qui pourra donner lieu à des ateliers d’écriture à tout âge et que l’on pourra donc insérer dans les bibliothèques de l’école primaire aux médiathèques des villes (secteur adolescent comme adulte) ; le poème échappe bien souvent aux catégories qu’on assigne aux lecteurs.
En voici quatre que j’ai choisis en connaissance du lieu (il faut bien se donner un critère, n’est-ce pas?).
Roches rouges, vagues bleues,
des falaises au maquis,
comme rêve ou brasier,
écrire l’autre pays.
Vendredi 9 décembre 2022-Saint-Raphaël, Estérel.
*
Claire colline où brûle une lampe,
accordéon et violoncelle,
cheminer longtemps sur les pavés,
cris d’enfants, vigne ou poème.
Lundi 12 décembre 2022- île de Lérins
*
Terre et ciel, arbres sasn feuilles,
tout commence, tout s’achève,
canaux et prairies, images
d’enfance, brise d’hiver.
1er janvier 2023- saint-Benoist-sur-Mer
*
Et j’attends encore, source
de silence et d’espérance,
vignes et palmiers, mains
des saisons, pure transparence.
Samedi 21 janvier 2023-Paris, Montmartre
Les lieux sont divers. Certains me sont totalement inconnus. D’autres, j’y suis passé, voyageur également. Quelques uns accompagnent mon quotidien : les Alpes Maritimes.
Écrire des quatrains c’est donner l’importance du moment. C’est également tenter via une économie de mots d’offrir de l’essentiel, du brut sans fioritures. Un exercice, comme un jeu, de sobriété. J’en apprécie la dynamique et les réussites.
Voici un livre qui pourra donner lieu à des ateliers d’écriture à tout âge et que l’on pourra donc insérer dans les bibliothèques de l’école primaire aux médiathèques des villes (secteur adolescent comme adulte) ; le poème échappe bien souvent aux catégories qu’on assigne aux lecteurs.
En voici quatre que j’ai choisis en connaissance du lieu (il faut bien se donner un critère, n’est-ce pas?).
Roches rouges, vagues bleues,
des falaises au maquis,
comme rêve ou brasier,
écrire l’autre pays.
Vendredi 9 décembre 2022-Saint-Raphaël, Estérel.
*
Claire colline où brûle une lampe,
accordéon et violoncelle,
cheminer longtemps sur les pavés,
cris d’enfants, vigne ou poème.
Lundi 12 décembre 2022- île de Lérins
*
Terre et ciel, arbres sasn feuilles,
tout commence, tout s’achève,
canaux et prairies, images
d’enfance, brise d’hiver.
1er janvier 2023- saint-Benoist-sur-Mer
*
Et j’attends encore, source
de silence et d’espérance,
vignes et palmiers, mains
des saisons, pure transparence.
Samedi 21 janvier 2023-Paris, Montmartre

Fontaine de clairvent de Bernard Grasset : une lecture de J-P Gavard-Perret.
Bernard Grasset : réalité et transcendance
Poète et philosophe, il poursuit ici sa quête d'une vérité ontologique forgé par une écriture sobre nourrie de la nature, de ses voyages et de ses connaissances artistiques et spirituelles.
Il cherche donc une vérité plus d'appartenance que de simple apparentement. Elle est à trouver derrière la nuit du regard donc dans les tréfonds de l'être où peuvent s'entendre encore les voix qui se sont tues
Celui qui fait preuve d'un certain génie linguistique recherche plus une langue nue et presque commune que lyrique. C'est là aussi une manière d'inventer ou transformer un langage en quatrains directs où n'est donné que ce qui perle de l'être.
Ce recueil comme tous ceux de ce poète reste le reflet de l’intériorité et le fruit de la conscience. S’impose, se donne et s'incarne la finitude des êtres et leur croyance en l'au-delà. Et ce, dans l’instant même où le monde est saisie tandis que le dehors et le dedans se condensent l’un l’autre et tendent à l’introspection. Apparaît ainsi un territoire propice à la transcendance.
Jean-Paul Gavard-Perret
Bernard Grasset, Fontaine de Clairvent, Au Salvart, 48 p.-, novembre 2023, 12€
Poète et philosophe, il poursuit ici sa quête d'une vérité ontologique forgé par une écriture sobre nourrie de la nature, de ses voyages et de ses connaissances artistiques et spirituelles.
Il cherche donc une vérité plus d'appartenance que de simple apparentement. Elle est à trouver derrière la nuit du regard donc dans les tréfonds de l'être où peuvent s'entendre encore les voix qui se sont tues
Celui qui fait preuve d'un certain génie linguistique recherche plus une langue nue et presque commune que lyrique. C'est là aussi une manière d'inventer ou transformer un langage en quatrains directs où n'est donné que ce qui perle de l'être.
Ce recueil comme tous ceux de ce poète reste le reflet de l’intériorité et le fruit de la conscience. S’impose, se donne et s'incarne la finitude des êtres et leur croyance en l'au-delà. Et ce, dans l’instant même où le monde est saisie tandis que le dehors et le dedans se condensent l’un l’autre et tendent à l’introspection. Apparaît ainsi un territoire propice à la transcendance.
Jean-Paul Gavard-Perret
Bernard Grasset, Fontaine de Clairvent, Au Salvart, 48 p.-, novembre 2023, 12€


ATERNEL
sur le site de En Attendant Nadeau.
Une note de Roger-Yves Roche.
Maurice Regnaut Aternel.
Au Salvart, 76 p., 14 €
Roger-Yves Roche
La guitare dans l’arbre suivi de Il neige sur la mer
Par Marie-Josée Christien - Revue Spered Gouez
La guitare dans l’arbre suivi de Il neige sur la mer
Au cœur du premier ensemble, il y a « l’absent sans paroles », le fantôme persistant d’un amour brisé dont le souvenir continue à hanter les lieux familiers de la poète, l’oubli qui ne vient pas. Dans les premiers poèmes, Lydia Padellec évoque le mécanisme insidieux qui se met en place quand « nous ne parlons plus / la même langue », la distance qui s’installe entre les amants. Dans « la déchirure d’un rêve / qui peu à peu se dissipe », il reste une sensation de défaite irrémédiable. L’absence et le vide s’énoncent en mots simples. La répétition en leitmotiv indique que la rupture s’annonce définitive : « l’absent erre entre les frontières secrètes », « Ulysse ne reviendra plus », « Il ne reviendra pas / l’amour des trente ans ».
Les sentiments et les émotions s’expriment dans un registre métaphorique, cependant que les objets du quotidien (la bouilloire, les lampes, la chambre, les écrans, un banc, la guitare) marquent un ancrage dans le réel. Le poème se fait compact sur la page. Les mots sont implacables, sans appel, pour dire « l’essaim du souvenir ». Le premier volet se clôt sur « le fil du poème / ouvert et incandescent ». Puis vient le temps d’« élaguer la mémoire », de se réapproprier le silence « lumineux comme une nuit / de neige ». Dans le deuxième ensemble, le poème se fait plus concis, s’arc-boute sur les mots essentiels et paradoxalement s’aère et respire : « la mer apaise l’amertume / de l’âme dévastée ».
Marie-Josée Christien Spered Gouez N°28 /Otocbre 2022
https://speredgouez.monsite-orange.fr/

Origines du poème - Une lecture de Marie-Josée Christien. pour la revue Spered Gouez.
Merci à Marie-Josée Christien et à la revue Spered Gouez pour les notes de lecture sur les deux premiers titres des éditions Au Salvart!
Origines du poème
Le poème bref d’Hervé Martin s’entoure de silence et de mystères pour remonter à ses sources : « Ici le passager précaire rapatrie de fugaces reliques ». Le poète s’adresse à son alter ego : « Qu’es-tu venu chercher / dans ce lieu où erre curieusement l’enfance ». Il retrouve dans quelques traces fugitives captées sur les lieux de son enfance les éléments fondateurs qui deviendront ses « motifs » d’écriture. Ses « mots de persistance et d’oublis » dessinent des labyrinthes d’où surgit la conscience aiguë du temps découpé par les heures et par les horloges.
La perte d’un frère nourrisson « qui traça sur (s)on histoire comme une ligne d’ombre » a laissé le vide de l’absence et « le chagrin qui perdure ». Muette, la douleur s’est longtemps tapie dans le corps. Puis les mots remontant peu à peu de la gangue du silence « se frayent un chemin / à travers le rhizome des nerfs ». « Le poème se révèle / en un puzzle » qui permet enfin le retour à soi.
Marie-Josée Christien Spered Gouez N°28 /Octobre 2022
https://speredgouez.monsite-orange.fr/
Origines du poème
Le poème bref d’Hervé Martin s’entoure de silence et de mystères pour remonter à ses sources : « Ici le passager précaire rapatrie de fugaces reliques ». Le poète s’adresse à son alter ego : « Qu’es-tu venu chercher / dans ce lieu où erre curieusement l’enfance ». Il retrouve dans quelques traces fugitives captées sur les lieux de son enfance les éléments fondateurs qui deviendront ses « motifs » d’écriture. Ses « mots de persistance et d’oublis » dessinent des labyrinthes d’où surgit la conscience aiguë du temps découpé par les heures et par les horloges.
La perte d’un frère nourrisson « qui traça sur (s)on histoire comme une ligne d’ombre » a laissé le vide de l’absence et « le chagrin qui perdure ». Muette, la douleur s’est longtemps tapie dans le corps. Puis les mots remontant peu à peu de la gangue du silence « se frayent un chemin / à travers le rhizome des nerfs ». « Le poème se révèle / en un puzzle » qui permet enfin le retour à soi.
Marie-Josée Christien Spered Gouez N°28 /Octobre 2022
https://speredgouez.monsite-orange.fr/

D'une vallée perdue à mes jours de mémoire
Une lecture de Roger-Yves Roche sur le site de Pierre Campion "A la littérature". (. http://pierre.campion2.free.fr/. )
Hervé Martin, D'une vallée perdue à mes jours de mémoire, encres de Sophie Brassart, éditions Au Salvart, 2023, 48 p. 18 €.
La mémoire ne choisit pas entre les (sur)vivants et les morts. Elle réveille les uns, veille les autres. D'une vallée perdue à mes jours de mémoire d'Hervé Martin est un petit livre qui ne dit pas son nom, le dit trop bien, hésite entre la lumière et l'ombre, l'enfance et le précipice : « Aux cœurs sonnants dans les poitrinesle poids des médailles ne comble pas l'absence Des années après la mémoire ne peut riencontre la béance le trou des jours perdus De ceux qui ne mêlent plus de pasaux traces de leur ombre » D'un événement de guerre, l'embuscade dans la vallée d'Uzbin, à 50 km à l'est de Kaboul (août 2008), Hervé Martin fait un poème stoïque-déchirant, que les encres de Sophie Brassart accompagnent, comme les éclairs l'orage. Et sans doute le temps de l'écriture n'a-t-il pas suivi exactement celui du souvenir, s'est même soustrait à lui, comme pour enfin regarder la blessure en face : « Il aura fallu une dizaine d'années avant que l'auteur puisse écrire sur cet épisode tragique qui aurait pu briser sa famille. »
Roger-Yves Roche
Hervé Martin, D'une vallée perdue à mes jours de mémoire, encres de Sophie Brassart, éditions Au Salvart, 2023, 48 p. 18 €.
La mémoire ne choisit pas entre les (sur)vivants et les morts. Elle réveille les uns, veille les autres. D'une vallée perdue à mes jours de mémoire d'Hervé Martin est un petit livre qui ne dit pas son nom, le dit trop bien, hésite entre la lumière et l'ombre, l'enfance et le précipice : « Aux cœurs sonnants dans les poitrinesle poids des médailles ne comble pas l'absence Des années après la mémoire ne peut riencontre la béance le trou des jours perdus De ceux qui ne mêlent plus de pasaux traces de leur ombre » D'un événement de guerre, l'embuscade dans la vallée d'Uzbin, à 50 km à l'est de Kaboul (août 2008), Hervé Martin fait un poème stoïque-déchirant, que les encres de Sophie Brassart accompagnent, comme les éclairs l'orage. Et sans doute le temps de l'écriture n'a-t-il pas suivi exactement celui du souvenir, s'est même soustrait à lui, comme pour enfin regarder la blessure en face : « Il aura fallu une dizaine d'années avant que l'auteur puisse écrire sur cet épisode tragique qui aurait pu briser sa famille. »
Entre son petit d'homme qui « prend des allures de héros quand il joue Et soudain s'interrompt dans le jeu et dit je serai commando » et celui qu'il est devenu, se trouve pris « dans la poussière des lacets », s'en tirera presque malgré lui, c'est la langue du père qui court, halète, va par les sentiers et les crevasses, passe sous le soleil, sauve ceux qui ont sauvé et n'ont pu être sauvés : « Et ceux Amis CompagnonsBinômes et camaradesContre tout ordre régulierDésobéissants aux consignes de repli Restèrent cibles ultimesPour protéger ce retour d'embuscadeRamener les derniers rescapésde sueurs et de sangébahis de torpeur » Ils sont désormais prénoms au-dessus des mots (Grégory, Jean-Christophe, Kévin), stèles nécessaires et pourtant dérisoires, tandis que le fils revient à des « jours ordinaires » « Côtoyant des rives incertaines et promesses sans rêves ». Reste le livre, écrit comme dans le redan de l'histoire. Événement que le poète n'a pas vécu et vient cependant de revivre, voix portée au-delà d'un voir, dans une région que seuls les mots peuvent atteindre.

D'une vallée perdue à mes jours de mémoire
Hervé Martin : la reprise perdue
Naviguant sur diverses émotions, l'auteur remonte le fil de ce qui aurait pu briser sa famille lors d'une guerre où beaucoup d'innocents furent emportés par des circonstances tragiques et puisque c'est bien là la loi du genre.
Mais il s'agit d'avancer. Mais sans rien oublier. Se relever demande de traverser le chagrin pour donner conscience à ce qui est en reprenant des valeurs face au nivellement par le bas de la cruauté.
Au-delà du textuel ces poèmes mêlent l'intime et le collectif. C'est là qu'ils agissent pour la mémoire mais aussi pour renaître, au delà du traumatisme, et avec une force morale dans un engagement pour que le demain ne ressemble pas à l'hier.
Jean-Paul Gavard-Perret
Naviguant sur diverses émotions, l'auteur remonte le fil de ce qui aurait pu briser sa famille lors d'une guerre où beaucoup d'innocents furent emportés par des circonstances tragiques et puisque c'est bien là la loi du genre.
Mais il s'agit d'avancer. Mais sans rien oublier. Se relever demande de traverser le chagrin pour donner conscience à ce qui est en reprenant des valeurs face au nivellement par le bas de la cruauté.
Au-delà du textuel ces poèmes mêlent l'intime et le collectif. C'est là qu'ils agissent pour la mémoire mais aussi pour renaître, au delà du traumatisme, et avec une force morale dans un engagement pour que le demain ne ressemble pas à l'hier.
Physique et rythmique le poème devient la recherche d'un équilibre de vie au delà des blessures. Les "éclats de couleurs des encres de Sophie Brassart sont là aussi pour les soigner.

Origines du poème - Une lecture de Jean-Paul Gavard-Perret - L'Internaute
L’inhibition se trouve levée selon une pulsion qui n'a rien autodestructrice. Tout fonctionne :
Pour libérer le corps / des stigmates des yeux / posés sur l'enfant / au plus seul du lit.
Cela ne va pas sans heurts et le poème se révèle un puzzle.
Dans la force des années, des images reviennent : c'est le moyen de trouver des repères là où les mots tentent de percer le silence et l'oubli.
L’œuvre offre quelque chose à la fois de lisse et de compliqué, entre synthèse mais aussi éclatement. Ce sont deux manière de structurer la matière, d'y mettre de l’ordre et de saisir l’intouchable.

D'une vallée perdue à mes jours de mémoire
Les 18 et 19 août 2008 eut lieu dans la vallée d’Uzbin à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul (Afghanistan), une bataille contre les talibans qui se révéla une terrible embuscade dans laquelle les soldats français perdirent 21 hommes et eurent de nombreux blessés. Parmi ceux-ci le fils du poète Hervé Martin. Quinze ans plus tard il ose en parler et publier aux éditions « Au Salvart » (qu’il vient de fonder) cet émouvant recueil au titre pudique comme l’est son auteur : « D’une vallée perdue à mes jours de mémoire ». Hervé Martin d’Igny (il a gommé cette particule bien sûr pour rester un Martin, premier nom de France depuis 1650 au moins jusqu’à ce jour !). Hervé le poètéditeur s’autorise à évoquer ce terrible drame qui faillit détruire sa famille. Mais il le fait à sa manière : sans dire. Avec une parole pleine de blancs –que la mise en page souligne jusqu’à parfois dérouter le lecteur : c’est fait pour bien sûr… Ces blancs, comme une parole qui bégaie, ne sont pas des trous –mais le souffle haletant de la mémoire mise en mots et en espace dans l’émotion toujours trop forte pour que le poète ne la contienne pas : pas question de se laisser aller au pathos. Et cependant celui-ci affleure, de peau et de mots. Conseils au lecteur : lire ; et si tu n’entres pas d’un coup, laisse reposer, renseigne-toi. Puis relis : tu ne seras pas déçu « Et tu retourneras vers la vie à gravir ». Les belles encres de Sophie Brassart t’y aideront.
Roland Nadaus - Revue Texture.
La guitare dans l'arbre suivi de Il neige sur la mer. Par Chantal Couliou
Une lecture de Chantal Couliou a paraître dans la revue Portulan N°38.
Un recueil en deux parties: la première est consacrée à l'homme aimé en allé avec sa guitare et ses chansons. L'auteure se console au bord de la mer, à travers les mots et la poésie qui lui permettent de prendre du recul. Pas de pathos dans ce recueil. La rupture, une rupture qui fait mal, qui laisse des traces mais qui permet aussi la réflexion et la reconstruction. C'est peut -être cela qui fait le sel de la vie: savoir que rien n'est éternel, que les amours peuvent mourir et d'autres voir le jour.Il s'agit de transformer la douleur, le chagrin en une force qui permettra de renouer avec le bonheur. Rien ne nous console de ces fractures de la vie, de ces pertes mais nous nous devons de les apprivoiser pour avancer, pour retrouver goût à la vie.Nous avons vieilli/et avec nous les rêves/d'une voie nouvelle-/ les lampes la nuit/n'effacent pas les caresses/un rire parfois réveille/mais ce n'est que le vent/qui claque contre le vent./
Chantal Couliou - Revue Portulan N°38
Un recueil en deux parties: la première est consacrée à l'homme aimé en allé avec sa guitare et ses chansons. L'auteure se console au bord de la mer, à travers les mots et la poésie qui lui permettent de prendre du recul. Pas de pathos dans ce recueil. La rupture, une rupture qui fait mal, qui laisse des traces mais qui permet aussi la réflexion et la reconstruction. C'est peut -être cela qui fait le sel de la vie: savoir que rien n'est éternel, que les amours peuvent mourir et d'autres voir le jour.Il s'agit de transformer la douleur, le chagrin en une force qui permettra de renouer avec le bonheur. Rien ne nous console de ces fractures de la vie, de ces pertes mais nous nous devons de les apprivoiser pour avancer, pour retrouver goût à la vie.Nous avons vieilli/et avec nous les rêves/d'une voie nouvelle-/ les lampes la nuit/n'effacent pas les caresses/un rire parfois réveille/mais ce n'est que le vent/qui claque contre le vent./
L'auteure fait son deuil d'un possible enfant, les années passant et le cours des choses reprend sa place: le sang est revenu. Deux mois jour pour jour/après le dernier appel,/le sang est revenu/à quoi joue ce corps/qui ne peut enfanter?/ La seconde partie intitulée Il neige sur la mer fait t- elle table rase de cet amour enfui? Est-ce la neige qui recouvre la guitare dans l'arbre? La neige en recouvrant tout permet - elle un nouveau départ. Tout est blanc, vierge ainsi l'auteure prend son envol, renoue avec le désir et la vie reprend ses droits. Tu plongeras tes mains/souillées d'encre/dans le visage de la neige/ et du bout des ongles/tu sentiras/ les battements de la terre.
