Notes de lectures et cætera...

Informations autour des éditions

Merci à Marie-Josée Christien et à la revue Spered Gouez pour les notes de lecture sur les deux premiers titres des éditions Au Salvart!

Origines du poème 

Le poème bref d’Hervé Martin s’entoure de silence et de mystères pour remonter à ses sources : « Ici le passager précaire rapatrie de fugaces reliques ». Le poète s’adresse à son alter ego : « Qu’es-tu venu chercher / dans ce lieu où erre curieusement l’enfance ». Il retrouve dans quelques traces fugitives captées sur les lieux de son enfance les éléments fondateurs qui deviendront ses « motifs » d’écriture. Ses « mots de persistance et d’oublis » dessinent des labyrinthes d’où surgit la conscience aiguë du temps découpé par les heures et par les horloges.

 La perte d’un frère nourrisson « qui traça sur (s)on histoire comme une ligne d’ombre » a laissé le vide de l’absence et « le chagrin qui perdure ». Muette, la douleur s’est longtemps tapie dans le corps. Puis les mots remontant peu à peu de la gangue du silence « se frayent un chemin / à travers le rhizome des nerfs ». « Le poème se révèle / en un puzzle » qui permet enfin le retour à soi.

Marie-Josée Christien  Spered Gouez N°28 /Octobre 2022
https://speredgouez.monsite-orange.fr/



La guitare dans l’arbre suivi de Il neige sur la mer 

Au cœur du premier ensemble, il y a « l’absent sans paroles », le fantôme persistant d’un amour brisé dont le souvenir continue à hanter les lieux familiers de la poète, l’oubli qui ne vient pas. Dans les premiers poèmes, Lydia Padellec évoque le mécanisme insidieux qui se met en place quand « nous ne parlons plus / la même langue », la distance qui s’installe entre les amants. Dans « la déchirure d’un rêve / qui peu à peu se dissipe », il reste une sensation de défaite irrémédiable. L’absence et le vide s’énoncent en mots simples.

 La répétition en leitmotiv indique que la rupture s’annonce définitive : « l’absent erre entre les frontières secrètes », « Ulysse ne reviendra plus », « Il ne reviendra pas / l’amour des trente ans ».

 Les sentiments et les émotions s’expriment dans un registre métaphorique, cependant que les objets du quotidien (la bouilloire, les lampes, la chambre, les écrans, un banc, la guitare) marquent un ancrage dans le réel. Le poème se fait compact sur la page. Les mots sont implacables, sans appel, pour dire « l’essaim du souvenir ». Le premier volet se clôt sur « le fil du poème / ouvert et incandescent ». Puis vient le temps d’« élaguer la mémoire », de se réapproprier le silence « lumineux comme une nuit / de neige ». Dans le deuxième ensemble, le poème se fait plus concis, s’arc-boute sur les mots essentiels et paradoxalement s’aère et respire : « la mer apaise l’amertume / de l’âme dévastée ».

Marie-Josée Christien  Spered Gouez N°28 /Otocbre 2022
https://speredgouez.monsite-orange.fr/

La guitare dans l'arbre - suivi de Il neige sur la mer- Une lecture de Jean-Paul Gavard-Perret.

Lydia Padellec ou la mélodie de l'inaudible.
 

Du morcellement de l'être Lydia Padellec se veut la rassembleuse. Depuis ces premiers textes elle tente de rendre audible ce qui se tait, se cache parce que cela nous demeure inconnu.
 Elle sait que pour un tel surgissement l'explosion n'est pas de mise. Il faut plus de finesse car ce qui demeure tapi a tôt fait de retourner à l'état de silence. Comme si l'être même en son corps défendant tout était en fuite.

 

Il s'agit donc d'apprivoiser le silence de neige sans courir le risque de faire fondre cette dernière et d'entrainer l'enfouissement du premier. Dans une sorte de communauté avec celui à qui elle s'adresse, la petite fille de jadis tente ainsi de retrouver un langage premier.

C'est pourquoi au sein d'une telle neige il ne s'agit pas de perdre pied ou de s'enfoncer mais et – sur un tel lit – de reconstruire le "vide abyssal" pour dire enfin ce qu'il cache avant que le temps nous fasse défaillir.
 C'est pourquoi l'écriture demeure une entreprise complexe. Elle passe d'abord par un affinement des sensations et leur maturation puis elle offre la mutation d’un corps lové jadis dans le ventre maternel et qui ensuite erre dans ses galeries ses plus profondes autant que dans le réel.

Jean-Paul Gavard-Perret -  L'Internaute (8/04/2022)

Origines du poème - Une note de Chantal Couliou parue dans la revue Portulan N°37.

Ce recueil est le tout premier d’une toute nouvelle maison d’édition crée par Hervé Martin. 

Il est impossible de remonter le temps, de rattraper son enfance. L’horloge poursuit sa course folle. 

Dans la succession des années. Combien de regards/ posés sur cette horloge

Comme une ligne d’ombre semble retracer les chemins d’un frère trop tôt disparu et la quête incessante d’une mère à la recherche de ces moments volés à l’enfance. 


Seul le corps/connaît la profondeur des déchirures. 

Mémoires, enfance, absence. Les mots peuvent t- ils permettre d’échapper à ce questionnement ? Les mots permettent –ils d’adoucir les blessures ?  en revenir aux mots, exhorter tous les mots à fouir la matière, mots prononcés en bouche,.. 

L’auteur établit une sorte de bilan de fin de vie rattrapé aussi par les douleurs, un corps qui lâche, mais les mots finiraient-ils par délier les entraves ?
Chantal Couliou - Revue Portulan N°37

La guitare dans l'arbre suivi de Il neige sur la mer - Une lecture de Chantal Couliou a paraître dans la revue Portulan N°38.

Un recueil en deux parties: la première est consacrée à l'homme aimé en allé avec sa guitare et ses chansons. L'auteure se console au bord de la mer, à travers les mots et la poésie qui lui permettent de prendre du recul. Pas de pathos dans ce recueil. La rupture, une rupture qui fait mal, qui laisse des traces mais qui permet aussi la réflexion et la reconstruction. C'est peut -être cela qui fait le sel de la vie: savoir que rien n'est éternel, que  les amours peuvent mourir et d'autres voir le jour.

Il s'agit de transformer la douleur, le chagrin en une force qui permettra de renouer avec le bonheur. Rien ne nous console de ces fractures de la vie, de ces pertes mais nous nous devons de les apprivoiser pour avancer, pour retrouver goût à la vie.

Nous avons vieilli/et avec nous les rêves/d'une voie nouvelle-/ les lampes la nuit/n'effacent pas les caresses/un rire parfois réveille/mais ce n'est que le vent/qui claque contre le vent./


L'auteure fait son deuil d'un possible enfant, les années passant et le cours des choses reprend sa place: le sang est revenu. 

Deux mois jour pour jour/après le dernier appel,/le sang est revenu/à quoi joue ce corps/qui ne peut enfanter?/ 

La seconde partie intitulée Il neige sur la mer fait t- elle table rase de cet amour enfui? Est-ce la neige qui recouvre la guitare dans l'arbre?  La neige en recouvrant tout permet - elle un nouveau départ. Tout est blanc, vierge ainsi l'auteure prend son envol, renoue avec le désir et la vie  reprend ses droits. 

Tu plongeras tes mains/souillées d'encre/dans le visage de la neige/ et du bout des ongles/tu sentiras/ les battements de la terre. 


Chantal Couliou - Revue Portulan N°38

Origines du poème - Une lecture de Jean-Paul Gavard-Perret - L'Internaute

Il arrive parfois aussi qu’un créateur soit contraint à un  exercice de recouvrance : d'où ces origines du poèmes qui forcément recoupent les temps de l'existence.
L’inhibition se trouve levée selon une pulsion qui n'a rien autodestructrice. Tout fonctionne :
Pour libérer le corps / des stigmates des yeux / posés sur l'enfant / au plus seul du lit.
Cela ne va pas sans heurts et le poème se révèle un puzzle.


Dans la force des années, des images reviennent : c'est le moyen de trouver des repères là où les mots tentent de percer le silence et l'oubli.
 L’œuvre offre  quelque chose à la fois de lisse et de compliqué, entre synthèse mais aussi éclatement. Ce sont deux manière de structurer la matière, d'y mettre de l’ordre et de saisir l’intouchable.
Jean-Paul Gavard-Perret -  L'Internaute (8/03/2022)